Drew Coulson a commencé à s’intéresser à la physiothérapie après s’être disloqué l’épaule à répétition en jouant au hockey. En tant que physiothérapeute, il travaille sur le corps dans son ensemble, par la thérapie manuelle, l’éducation et des exercices fonctionnels.
Les données de Statistique Canada indiquent qu’au début de cette année, 32 % des employés canadiens âgés de 15 à 69 ans avaient passé la majeure partie de leur horaire de travail en télétravail, comparativement à seulement 4 % en 2016.*
NFP a pris le temps d’aborder la question des conditions liées au télétravail avec Drew afin de mieux comprendre les enjeux uniques associés au contexte actuel de travail à la maison.
Notre de la rédaction : Cette entrevue a été révisée dans un souci de clarté et de concision.
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NFP : En tant que physiothérapeute, depuis le mois de mars, avez-vous vu une différence dans le type de patients qui vous consultent en physiothérapie?
Drew Coulson : Oui, tout à fait. En général, les patients sont un peu plus jeunes; beaucoup de mes patients plus âgés ont décidé de rester chez eux ou sont passés aux consultations virtuelles. Les gens qui se présentent à la clinique sont ceux qui travaillent à la maison. Chez eux, je constate beaucoup moins de lésions aiguës ou traumatiques et bien plus de problèmes de surutilisation ou chroniques. Beaucoup d’entre eux disent qu’ils ressentent de la douleur depuis plusieurs mois. Ils arrivent à un point où ils ne peuvent plus endurer la douleur et doivent y voir.
NFP : Puisque les consultations sont devenues de plus en plus virtuelles, comment cela s’est-il passé comparativement aux consultations en personne?
Drew : C’était plutôt intéressant. C’est quelque chose qu’on ne faisait pas avant la COVID, du moins à notre clinique. Il a été assez compliqué de trouver la façon de promouvoir cette option et de déterminer à quel type de client cela convenait le mieux. Ma clinique n’a pas beaucoup travaillé dans ce sens. Nous n’a avons pas vu une forte demande, mais en parlant à certains collègues, j’ai constaté qu’ils avaient traité une grosse partie de leurs dossiers de manière virtuelle. Il faut savoir comment en faire la promotion, mais cela dépend aussi du nombre de dossiers. Étonnamment, beaucoup des personnes plus âgées auxquelles je parle sont plus portées à favoriser les consultations virtuelles, ce qui serait un peu contre-intuitif. On serait porté à croire que les jeunes, plus habiles avec la technologie, seraient plus enthousiastes à l’idée de recevoir ce genre de services en ligne. Les consultations virtuelles plaisent aussi particulièrement aux personnes qui ont des comorbidités ou des affections préexistantes, ou qui sont moins à l’aise de sortir de chez elles ou de se rendre en clinique.
NFP : En ce qui concerne les patients plus jeunes, je sais que ça semble évident, mais je dirais que le télétravail a une forte influence là-dessus aussi. Quelles sont les tendances que vous avez pu remarquer au cours de la dernière année sur le plan des blessures à traiter?
Drew : Comme je le disais, les blessures liées à des microtraumatismes répétés sont plus nombreuses. Les patients se plaignent beaucoup de douleurs dans le cou ou les épaules, de problèmes dans le bas du dos et de tensions musculaires. Les blessures chroniques sont également plus nombreuses.
NFP : Est-ce uniquement parce que les gens ne disposent pas d’installations adéquates à la maison?
Drew : Oui, c’est une grande partie du problème. L’une des principales choses que je demande à mes patients durant mon évaluation est de décrire leur poste de travail à la maison. C’est assez incroyable. Dans certains cas, les gens travaillent au lit, sur un divan ou sur un tabouret sans dossier – penchés au-dessus de leur ordinateur portable. La bonne chose c’est qu’au fil du temps, les gens ont commencé à s’ajuster. Je crois que les entreprises ont compris qu’elles doivent fournir le matériel à leurs employés, les aider à aménager leur poste de travail, leur donner un fauteuil de bureau et un moniteur, ou ce genre de choses. Travailler uniquement sur un ordinateur portable à long terme n’est pas soutenable.
NFP : Avez-vous remarqué si les employeurs sont plus conciliants avec ces employés? Acceptent-ils mieux la situation qu’ils vivent et sont-ils plus compréhensifs en ce qui a trait aux blessures pour lesquelles ils vous consultent?
Drew : Oui. Au fil du temps, de plus en plus d’entreprises ont compris que le télétravail était là pour rester. Plus on dépensera d’argent pour prendre soin des employés, moins ils se plaindront. Je suis toujours surpris quand, un an après le début de la pandémie, je rencontre de gens qui me disent, lors de leur évaluation initiale, qu’ils n’ont reçu aucune aide de leur employeur pour installer leur poste de travail à domicile. Je dirais que la majorité des entreprises ont compris qu’il est important de soutenir les employés en télétravail.
NFP : En tant que physiothérapeute, avez-vous dû utiliser de nouvelles techniques avec vos patients en raison de l’augmentation de blessures liées au télétravail?
Drew : Tout à fait. Il faut être créatif et se débrouiller avec ce que les gens ont chez eux. Ce n’est pas comme s’ils pouvaient aller au centre de conditionnement physique comme avant. N’est-ce pas? Sans l’accès à des poids et à l’équipement nécessaire, ce peut être difficile de faire de la musculation. Il faut donc faire preuve de créativité. Il faut soit utiliser des objets lourds qu’on trouve à la maison pour travailler sur les blessures ou rendre les exercices plus difficiles, soit modifier les postes de travail des gens. Je parle de la configuration du poste de travail tous les jours depuis un an.
NFP : En avez-vous assez?
Drew : C’est vraiment devenu partie intégrante de mon éducation. Je parle d’ergonomie, des habitudes que les gens doivent adopter à leur poste de travail. Les gens se rendent comptent qu’ils ont passé des heures dans la même position, et ils ne savent pas pourquoi ils ont si mal alors qu’en réalité, notre corps a besoin de variété et de mouvement. On veut que chaque groupe de muscles se partage la charge. Si on taxe continuellement les mêmes groupes quand on est assis devant son ordinateur, certaines parties du corps finiront inévitablement par se rebeller.
Je mise donc beaucoup sur les habitudes, les mouvements et la posture, notamment. Ça a toujours fait partie de la physio, mais c’est au cœur des débats en ce moment. Je crois que la plupart des patients que je rencontre ont un niveau de stress plus élevé qu’avant la COVID, ce qui est compréhensible. Je passe beaucoup de temps à leur parler de façons de réduire ou de gérer le stress et de composer avec le sentiment d’appréhension,et de l’incidence de ces éléments sur la guérison et le pronostic. C’est une importante partie de se sentir mieux.
NFP : Avez-vous quelques conseils simples que les gens peuvent mettre en pratique dès maintenant pour réduire les risques de blessure ou alléger le stress dont vous parliez?
Drew : Oui, j’ai fait la promotion du cumul des habitudes. C’est une des façons de changer les comportements. On prend une habitude bien établie comme consulter son téléphone ou aller chercher un café et on y greffe une autre habitude. Par exemple si vous consultez votre téléphone, vérifiez votre posture toute de suite après. On est alors en mesure d’allier des habitudes bien développées à de nouvelles habitudes. Il est aussi important de placer des rappels visuels à son poste de travail. Par exemple, des notes autocollantes vous rappelant de bouger ou de soigner votre posture. Un truc que j’ai appris d’un de mes patients récemment est la navette virtuelle. Même si on travaille à la maison, on sort marcher pendant une trentaine de minutes pour « se rendre au travail ». À la fin de la journée, on ressort marcher 30 minutes pour « rentrer à la maison ».
Avis : Drew Coulson n’est pas affilié à NFP au Canada.
Sources
*Tahsin Mehdi et René Morissette. « Travail à domicile : productivité et préférences », Statistique Canada, 2021.